Arbitrage et Règles – ou la passion des experts bénévoles
Thérèse Obrecht Hodler, avec une recherche historique de Christoph Meister (à suivre)
Les premières règles de golf datent de 1744. Un siècle et demi plus tard, vers 1900, chaque club de golf appliquait ses propres Règles. En 1981, la Fédération française de golf a fait œuvre de pionnière en créant la première école d’arbitrage. Dix ans plus tard, l’ASG a organisé son premier séminaire de Règles. En 1993, le Royal &Ancient de St Andrews a ouvert les portes de sa Referees School aux fédérations européennes pour ce qui est des cours et examens d’arbitres. Mais il aura fallu attendre la grande révision de 2019 pour que des Règles de golf uniformes soient appliquées dans le monde entier.
Avec le recul, on peut se demander pourquoi il a fallu attendre si longtemps avant que des arbitres de golf soient officiellement formés et que les Règles de golf soient structurées et codifiées, d’abord au niveau national puis international. Pour la Suisse, cette évolution est liée à quelques pionniers passionnés par tout ce qui touche aux Règles de golf, au handicap et au course rating. Et qui ont passé le flambeau aux nouvelles générations d’arbitres qui suivent régulièrement des formations, bûchent les Règles, passent des examens, consacrent leur temps libre à préparer et arbitrer des tournois – et qui restent, malgré leur grande expertise, des bénévoles au service du golf.
Un de ces pionniers légendaires fut Paul Quéru, appelé aussi le «pape des Règles». Ingénieur au CERN près de Genève, ce Français de souche, avait découvert le golf au pays de Galles. En 1990, à 60 ans, il est devenu l’un des premiers membres du Golf Club d’Esery, en France voisine. Deux ans auparavant, il avait brillamment réussi son examen d’arbitre à la Fédération française de golf (ffgolf), avant d’enchaîner avec des cours aux USA, où ce brillant expert a été invité à arbitrer de grands tournois comme l’US Senior Open 1991. Puis, au tout début des années 1990, il a suivi à St Andrews la toute première conférence sur les Règles organisées par le Royal & Ancient. «Il a passé l’examen haut la main», comme se souvient Johnny Storjohann qui l’avait accompagné en Ecosse en sa qualité de secrétaire général à la fois de l’ASG et de l’EGA. En 1993, Paul Quéru a été élu au Comité de l’ASG, où il a présidé la Commission technique et a notamment créé le corps d’arbitres, puis introduit en Suisse (et en France) le course rating, domaine pour lequel il est aussi devenu un expert international.
C’est grâce au soutien de Daniel Pfister, secrétaire honoraire et également responsable de la Commission technique, puis vice-président de l’ASG (1985-1987), et surtout grâce à la passion des Règles de Paul Quéru, que la Suisse a disposé assez rapidement d’arbitres de golf officiellement formés (aujourd’hui au nombre de 50). Au début des années 1990, les capitaines assuraient en général encore l’arbitrage des compétitions de club. L’ASG a décidé alors d’organiser un séminaire de Règles tous les deux ans, suivi d’examens. «En plus des capitaines, nous pouvons désormais compter sur des experts diplomés, dont les connaissances des Règles sont idéales pour gérer les compétitions de clubs. Les pros ont également renforcé leur formation en la matière, ce qui est très appréciable pour la préparation des golfeurs», confiait Paul Quéru au magazine Golf Suisse (6/2005). Ajoutant une phrase qui est probablement encore d’actualité aujourd’hui: «La majorité des joueurs connaissent assez mal les Règles et ne souhaitent malheureusement pas les apprendre. Je dirais que la faute vient des dirigeants, pas assez stricts, notamment en ce qui concerne le jeu lent. Ils prennent rarement des sanctions!»
«J’appréciais le principe des Règles.
Mais je détestais donner des pénalités»
Paul Quéru
Paul Quéru, ou l’amour des Règles et la passion du course rating.
Charles-André Bagnoud, arbitre international, membre du panel d’arbitres du R&A, ancien membre de l’équipe suisse juniors et amateurs, capitaine de l’équipe suisse juniors et accessoirement notaire et président du Golf Club de Crans-sur-Sierre, se souvient très bien du premier séminaire de Règles qu’il avait co-organisé et animé à Genève en 1991, en compagnie de Paul Quéru, qui était aussi le premier président du Rules Committee: «Paul avait la soixantaine, ce n’était pas un joueur de haut niveau, mais sa passion et ses connaissances des Règles étaient exceptionnelles.» Ce premier séminaire de l’ASG réunissait une quarantaine de personnes, parmi elles des capitaines et des responsables juniors des clubs. Charles-André Bagnoud se souvient également de certains membres du Golf Club de Crans, comme par exemple Henri Emery, qui ont suivi les premiers cours de Règles en France et ont passé les examens à la Fédération française de golf en 1987 – même avant que le R&A s’y mette! «Cela se passait à la française… on se serait cru à l’ENA, on entrait en religion», raconte Charles-André Bagnoud qui suit aujourd’hui encore régulièrement des cours d’arbitrage au R&A et passe des examens à St Andrews tous les quatre ans.
Sa passion des Règles est intacte depuis plus de 30 ans, lorsqu’il avait arbitré pour la première fois l’Open de Suisse 1992 à Crans, quand il n’y avait que quatre referees au total. Et le Valaisan est forcément arbitre chaque année à l’Omega European Masters (OEM), en compagnie de dix autres referees, dont sept professionnels, trois Suisses et un arbitre délégué par le R&A. Et pourtant, dit-il, «après une semaine d’arbitrage je suis au bout du rouleau. C’est chaque fois un vrai challenge, il faut tout préparer, tout contrôler, parfois il fait froid et l’on foule les plus beaux parcours du monde sans frapper un seul coup.» Mais comme tous ses collègues arbitres, Charles-André Bagnoud souligne que ces semaines de tournoi sont toujours l’occasion de rencontres exceptionnelles et que de belles relations se nouent au fil des années entre responsables et joueurs. Pour preuve, la photo ci-dessus que Rory McIlroy a spontanément proposé de prendre avec Charles-André Bagnoud en 2019, alors qu’il arbitrait à l’OEM.
La photo du vainqueur de l’OEM de Crans 2023, de g. à dr.: José Maria Zamora (Senior Tournament Director European Tour), Christian Barras, Charles-André Bagnoud, Ludvig Åberg. Ralf Hoheisel et Rudi Achermann.
Autre arbitre suisse éminent, l’avocat zurichois Mark Bruppacher, président du Rules Committee de l’ASG (jusqu’en 2015), seul Suisse au sein de l’EGA Championship Committee, ancien président du Golf & Country Club Zurich-Zumikon, Hickory Golfer, membre du R&A et, distinction incroyable, huit fois arbitre au The Open, sans parler de tous les autres tournois internationaux où il a travaillé comme arbitre.
Ce n’est que dans les années 1980, en tant que capitaine au GC Lenzerheide, que l’intérêt pour les Règles a commencé à le titiller, inspiré aussi par les deux pionniers Daniel Pfister et Paul Quéru, qui géraient à l’époque le domaine arbitrage et règles en Suisse. Après sa participation au premier séminaire de Règles de l’ASG en 1991, Mark Bruppacher a été envoyé à la R&A Referees School à St. Andrews. En 1999 il a rejoint le Rules Committee de l’ASG, où il était notamment chargé de la formation des futurs arbitres dans les clubs et surtout lors de l’ASG Rules School organisée tous les deux ans. A partir de 2001 il a également siégé pendant quatre ans au Rules Committee du R&A de St Andrews, l’organisme faîtier mondial pour tout ce qui concerne le jeu et les Règles de golf (sauf pour les USA et le Mexique, gérés par l’USGA).
A cette époque déjà, Mark Bruppacher a souligné certains problèmes liés à l’arbitrage: le fait que le «spirit of the game» et l’étiquette se dégradaient visiblement dans les clubs où la fixation excessive sur le résultat allait de pair avec le nombre trop élevé de tournois, «alors que le golf est un jeu de gentlemen, voué à l’amitié, au plein air et à l’exercice». Deuxième souci, le bénévolat de l’arbitrage est difficilement compatible avec une activité professionnelle, étant donné que le travail d’arbitre commence généralement durant la semaine avec le marquage des parcours, raison pour laquelle ce job convient avent tout aux retraités ou aux indépendants. Troisième problème, la surcharge du comité des Règles qui rend son fonctionnement problématique sur une base de milice. «Nous avons une responsabilité vis-à-vis de tous les joueurs, de tous les tournois, de tous les clubs … Nous sommes aux limites de nos capacités.»
«Corona Ruling» sur le Ladies European Tour 2019, l’arbitre professionnel Charles Veasey avec Lina Boqvist.
Swiss Golf Rules Committee
La commission des Règles de Swiss Golf assure l’application correcte des règles de golf du R&A, forme les arbitres et organise leurs interventions.
Tâches
- Surveillance de l’application correcte des Rules of Golf (telles que mises en vigueur par le R&A) en Suisse, en particulier:
- Si le directeur de jeu ne parvient pas à une décision dans un match de compétition, il peut soumettre les faits au Rules Committee, dont la décision est définitive.
- Si le Rules Committee ne parvient pas à une décision, il peut soumettre les faits au R&A, dont la décision est définitive.
- Assurer la formation et le perfectionnement des arbitres et des arbitres assistants:
- Définit le contenu de la National Rules School, se met à disposition lors de celle-ci pour des instructions et des présentations et vérifie le niveau des connaissances («Rules Exam»).
- Définit le contenu des Referee Workshops et se met à disposition pour des instructions et des présentations.
- Décide de la délégation au TARS (R&A).
- Nomination et promotion des arbitres et des arbitres assistants.
- Supervise l'affectation des arbitres et des arbitres assistants aux tournois figurant sur les listes de tournois publiées par Swiss Golf.
- Décide, en concertation avec le secrétariat, de la délégation à des tournois internationaux en Suisse et à l’étranger.
- Encourage et entretient des contacts nationaux et internationaux (R&A Rules Ltd., USGA, fédérations de golf).
Membres
Daniel Waldmeier, Chairman, arbitre
Charles Veasey, arbitre
Barbara Albisetti-Heath, directrice Sport, Swiss Golf
Wouter Pijl, secrétaire, arbitre, Championnats & Sport, Swiss Golf
Kick-off meeting des nouveaux arbitres assistants, Golfparc Holzhäusern 2022.

Comment devenir arbitre Swiss Golf
En Suisse, on compte une cinquantaine d’arbitres. Il s’agit généralement de bons joueurs et joueuses qui ont envie de rendre quelque chose au golf. Très souvent, ils ou elles ont décidé de suivre une formation après une mésaventure en tournoi ou après avoir perdu un match parce qu’ils ne connaissaient pas une Règles. Le résumé de la charge de travail paru dans le rapport annuel est impressionnante: en 2023, 28 arbitres, 16 arbitres assistants et de nombreux Rules Experts dans les clubs ont pris en charge l’arbitrage de 79 tournois organisés par Swiss Golf, soit au total 171 jours de tournoi et 464 journées de travail pour les arbitres, assistants ou experts. «Ce travail est difficilement compatible avec la vie de famille la carrière professionnelle», confirme Rudi Achermann, président du Rules Committee de Swiss Golf de 2016 à 2024. Il avait lui-même suivi en 2002 la Rules School et depuis, il a géré au moins 250 tournois et organisé de nombreux workshops et séminaires pour les clubs, invitant les capitaines, les seniors, les managers, les greenkeepers – qui doivent évidemment tous connaître les règles.
«Nous ne sommes pas là pour punir
les joueurs mais pour les aider»
Wouter Pijl
La formation se fait à quatre niveaux:
Une formation d’autodidacte ou un cours de base dans son home club, débouchant sur un certificat en ligne du R&A et le titre de Rules Expert au sein du club.
Des séminaires régionaux (en français ou en allemand) à Bonmont ou à Otelfingen, généralement un jour en automne et un autre au printemps, avec des devoirs à remplir entre les deux. Celles et ceux qui atteignent un bon niveau peuvent arbitrer des tournois de club et donner des cours, par exemple sur les règles locales.
La Rules School nationale (en anglais), un weekend tous les deux ans à Wylihof, suivie d’un examen écrit. Si le taux de réussite à l’examen est de 70% on devient arbitre assistant pendant deux ans au moins et l’on peut arbitrer des tournois d’élite en compagnie d’un arbitre expérimenté. Ensuite c’est le Rules Committee de Swiss Golf qui accorde ou non la promotion au statut d’arbitre. C’est aussi à ce niveau qu’on peut participer au prestigieux TARS (Tournament Administration and Rules Seminar) au R&A, suivi d’un examen. Le niveau 3+ est décerné à celles et ceux qui passent cet examen à St Andrews.
En Suisse, deux arbitres sont Advanced Referees au niveau 4: Charles Veasey, arbitre professionnel à 40% sur le Ladies European Tour, ainsi que Wouter Pijl. Le titre d’Advanced Referee est rarement décerné par le R&A et se base sur l’expérience en matière d’arbitrage.
Renato Paratore fait appel à l'arbitre au trou 18 lors de l’Omega European Masters 2019.
«Il y a en général trois sortes de participants à la Rules School: les arbitres qui doivent passer un examen de ‘mise à jour’ tous les quatre ans, les apprentis de la Swiss PGA et les experts des Règles de clubs, qui ont souvent déjà suivi des séminaires régionaux», précise Rudi Achermann. Ajoutant que les apprentis de la Swiss PGA passent des examens en même temps que les arbitres mais les exigences sont moins sévères pour les futurs teaching pros.
Wouter Pijl, un des premiers Advanced Referees de Suisse
Ce Hollandais de souche et venu en Suisse en 1991, et a pris la nationalité suisse après quelques années, puis a rejoint Swiss Golf en 2015 pour diriger le Domaine Championships & Sport, qui s’occupe de tout ce qui concerne les tournois, les règlements, les handicaps et la formation des arbitres. Wouter Pijl fait notamment passer l’examen en anglais lors du traditionnel week-end de formation au Golfclub Wylihof tous les deux ans en octobre. Accessoirement, il est aussi devenu membre du Swiss Golf Rules Committee dans lequel il se charge de l’organisation logistique et de l’administration de l’arbitrage en Suisse, ce qui signifie planifier l’affectation de la cinquantaine arbitres aux divers tournois en Suisse sur toute la saison, ce qui n’est pas une mince affaire.
Sa carrière dans le golf a commencé plus ou moins par hasard, grâce à un doute sur une règle lors d’un tournoi en 2005. Wouter Pijl s’était dit alors qu’il ne voudrait plus jamais revivre une telle situation et s’est inscrit à un cours de règles en 2006. La même année, il a réussi l’examen d’arbitre et a continuellement poursuivi sa formation, entre autres à St Andrews où il a atteint, en 2023, le niveau 4 de l’arbitrage international en devenant le premier Advanced Referee non membre d’un Tour professionnel, un honneur qui atteste d’une très grande expérience. (Peu avant, l’arbitre professionnel Charles Veasey, a également été nommé Advanced Referee). Parallèlement, il agit comme Assessor pour notre pays, responsable d’envoyer les rapports d’arbitrage au R&A à St Andrews pour la qualification des futurs Advanced Referees.
Wouter Pijl agit souvent comme directeur de tournoi et comme arbitre lors de nombreux événements en Suisse, y compris à l’Omega European Masters de Crans-Montana. Mais l’apogée de sa vie d’arbitre est sans conteste le 151e The Open 2023 au Royal Liverpool, où il est devenu le deuxième Suisse de l’histoire, invité à arbitrer, après Mark Bruppacher qui a arbitré huit fois The Open. Une expérience extraordinaire dans des dimensions gigantesques – 7500 bénévoles, des dizaines de milliers de spectateurs et une cinquantaine d’arbitres au total.
Lors de deux premiers tours, chaque flight était accompagné d’un arbitre, voire de deux samedi et dimanche, pendant que des head referees surveillaient le tournoi en permanence à la télévision. Il a accompagné des joueurs de la trempe d’un Stewart Cink ou Antoine Rozner, puis le week-end, il a même été affecté au groupe de tête, composé du futur vainqueur Brian Harman et du héros local Tommy Fleetwood. «Quel plaisir de pouvoir observer une personnalité aussi extraordinaire», se souvient Wouter Pijl, avec cet enthousiasme qui est la marque de fabrique du vrai arbitre.
(lire aussi l’article de Fabian Ruch «Il a arbitré les superstars du golf», magazine SWISS GOLF 4/
Wouter Pijl, l’un des 50 referees du British Open 2023 au Royal Liverpool.
La grande révision des Règles en 2019
En janvier 2019, de nouvelles Règles de golf sont entrées en vigueur, mais il ne s’agissait pas d’une adaptation comme elle a lieu tous les quatre ans. Le R&A (responsable des Règles pour toutes les fédérations dans le monde à l’exception des Etats-Unis et du Mexique) et l’USGA (Mexique et USA) ont procédé à la plus grande révision des Règles de golf depuis 40 ans pour en faire un standard uniformément appliqué dans le monde entier. Autrement dit, les deux pôles majeurs du golf mondial se sont mis d’accord de décider ensemble désormais de toute modification ou adaptation des Règles.
Le nombre de Règles est passé de 124 à 104, avec des modifications et beaucoup de sous-catégories, ainsi qu’environ 75 définitions. Elles sont certes présentées de façon plus claire et plus compréhensible – mais ne sont pas nécessairement devenues plus simples. Des pénalités discutables ont été éliminées et ces adaptations conviennent bien aux situations de jeu normales, mais «plus on approfondit l’apprentissage, plus cela devient compliqué», est un avis souvent entendu parmi les arbitres.
«Ce fut une période intense avec beaucoup de cours et de formations pour les arbitres mais aussi les managers de clubs et autres responsables», reconnaît Daniel Waldmeier, qui a succédé à Rudi Achermann à la présidence du Rules Committee de Swiss Golf en novembre 2023. Si pour Charles-André Bagnoud «les nouvelles Règles se lisent comme un roman», d’autres spécialistes sont moins enthousiastes. Par exemple, en ce qui concerne le fait que le drapeau peut rester dans le trou pendant le putting, une mesure qui devait notamment contribuer à accélérer le jeu. «Je n’ai constaté aucune amélioration du pace of play, pas plus qu’avec la nouveauté du ready golf d’ailleurs», remarque Daniel Waldmeier. Qui a constaté au contraire que les joueurs abîment parfois le trou en sortant leur balle, alors que le drapeau reste planté dedans …
Connaissez-vous la règle 80-20?
Elle stipule que 80% de vos meilleurs coups
à l’entraînement se produisent 20% du temps
sur le parcours. L’inverse est également vrai:
20% des plus mauvais coups sur le practice se
produiront avec 80% de chance sur le parcours.😂
Une grande responsabilité
Les domaines d’activités des arbitres sont plus vastes qu’on s’imagine généralement: il faut préparer le parcours qui accueille le tournoi, parfois des semaines à l’avance et en tout cas la veille du tournoi, donc souvent en milieu de semaine ou du moins pendant un jour ouvrable. L’arbitre doit savoir exactement où sont les penalty areas ou les hors-limites, puis vérifier que tout soit clairement marqué. Il doit connaître les Règles locales, vérifier la liste de départ, les intervalles entre les flights etc. Le jour du tournoi, il doit parcourir le parcours en voiturette, vérifier chaque trou… Le parcours a-t-il été piétiné par des vaches? Est-il détrempé après la pluie? Les vannes des bornes à incendie sont-elles fermées? Les moyens techniques (tv, laser) fonctionnent-ils? Une fois que le tournoi a commencé, les défis sont de taille, notamment par mauvais temps. A quel moment faut-il suspendre le jeu en cas d’orage? «L’arbitre est responsable de la sécurité et, en général, il s’accorde à l’avance avec le manager du club pour choisir le bon moment d’une éventuelle suspension», précise Rudi Achermann.
On est arbitre par tous les temps: Wouter Pijl avec Rudi Achermann (au volant) sur la DP World Tour.
Les défis sont forcément plus grand lorsqu’on arbitre un tournoi national, voire international. Mais arbitrer un Professional Tour Event – c’est un «autre monde» disent le initiés. C’est d’une part une occasion de peaufiner ses connaissances au plus haut niveau, notamment aux côtés d’un referee professionnel et salarié, plongé tous les jours dans les finesses des Règles. Mais c’est aussi une expérience inoubliable, puisqu’on côtoie les meilleurs golfeuses et golfeurs du monde, vous diront tous les arbitres qui ont eu la chance d’être appelés sur le circuit professionnel. Le fait que les arbitres suisses suivent une formation en anglais est forcément un avantage à cet égard.
Arbitrer demande aussi une bonne condition physique, surtout quand on travaille comme Walking Referee comme Rudi Achermann l’a fait lors de l’Arnold Palmer Cup 2022 à Genève. En règle général, un arbitre est responsable de deux ou trois trous et dispose d’une voiturette pour se déplacer. Mais lorsqu’il s’agit d’un tournoi en match play comme la Palmer Cup, opposant les 12 meilleurs College golfers (6 femmes et 6 hommes) américains à une équipe internationale identique, les arbitres vont à pied. «Nous étions 12 referees, soit un pour chaque match, et pendant quatre jours, chacun d’entre nous a accompagné un flight à pied. C’était un grand effort physique, mais quel plaisir extraordinaire de voir en action les meilleurs golfeuses et golfeurs de la relève mondiale», se souvient Rudi Achermann. Sans parler des contacts intenses avec les APC Rules Officials du R&A et de l’USGA pendant ce tournoi mémorable.
Les Swiss Golf Referees lors de l’Arnold Palmer Cup 2022 au Golf Club de Genève.
Les juniors suisses se familiarisent assez tôt avec les règles en passant le Brevet sportif, épreuve pratique et théorique, qui existe depuis les années 1950. Il permet aux porteurs de la distinction de jouer gratuitement sur la majorité des parcours du pays. Passée professionnelle en 2018, Morgane Métraux a dit: «Chaque année, le R&A teste la connaissance des Règles des nouvelles venues sur le Ladies European Tour. Grâce à la bonne formation que j’ai reçue lorsque j’étais junior à Lausanne, j’ai été la seule parmi trente professionnelles à pouvoir répondre sans faute aux 50 questions.»
La réunion traditionnelle des arbitres et arbitres assistants à Ascona, novembre 2024.
Curieux incidents d’arbitrage
La réunion traditionnelle des Referees suisses à Ascona est aussi l’occasion de raconter ce qu’ont vécu les uns et les autres pendant la saison. Voici l’histoire qui est arrivé à Charles-André Bagnoud lorsqu’il a arbitré le championnat d’Europe mid-amateur à Zurich-Zumikon.
«Un Suédois tape son drive puis envoie la balle sur le green avec son deuxième coup. Il voit que son partenaire de flight a perdu sa balle près de l’obstacle d’eau et va vers lui pour l’aider à la chercher. La balle reste introuvable et le Suédois retourne vers son chariot électrique – qui a disparu! Tout le monde se met alors à chercher le chariot du Suédois, dans l’eau, sous les arbres, à gauche et à droite du fairway… Finalement, le Suédois se tourne vers moi et dit: «Je n’ai plus mon sac. Que faire?» «Vous êtes disqualifié! Vous êtes parti avec 14 clubs et vous n’avez pas le droit de les échanger…» Effondré, le Suédois s’en va et reprend l’avion pour rentrer à la maison. Deux jours plus tard, un fermier de Zumikon appelle le club en disant: «J’ai trouvé un sac de golf sur un chariot dans ma grange.» Le chariot a donc traversé plusieurs fairways sans tomber et a pris la direction d’une ferme voisine pour finir sa course dans une grange à foin…»
Daniel Waldmeier se souvient d’un autre incident malheureux lorsqu’une joueuse a frappé sa balle au départ, on a entendu qu’elle a touché un arbre, mais personne n’a vu atterrir la balle. Après trois minutes de recherche intense, sa balle est déclarée perdue. La joueuse retourne sur le tee et frappe une autre balle. Puis elle va vers son sac pour chercher son putter et continu en direction du green … et soudain, elle aperçoit sa balle dans la vase boueuse où personne n’avait cherché avant. Pas de chance, puisqu’elle a déjà joué une deuxième balle. Mais il arrive dans ces conditions, ajoute Daniel Waldmeier, quand une balle disparait dans la boue, l’arbitre puisse déterminer une situation d’eau temporaire (semblable à ground under repair) – pour autant qu’on ait trouvé le point d’impact – et qu’on puisse dropper à l’intérieur d’une longueur de club, sans pénalité.
(Vous trouvez une série de caricatures de Tom & Chip sur le site de Swiss Golf sous «Règles»)